Revendications 2015

La Marche Mondiale des femmes est un mouvement international, démocratique, autonome, transparent et créatif. Il regroupe plus de 5000 réseaux, organisations et militants-es de 164 pays et régions qui ont un but commun : marcher tant que les femmes ne seront pas libres. L’ensemble de ces revendications est le résultat d’une collaboration active entre toutes les organisations et militantes de la Marche Mondiale de Belgique. Les revendications de la Marche Mondiale des Femmes 2015 sont axées autour de deux thématiques qui doivent trouver une réponse aussi bien au niveau mondial que local : la première est la lutte contre la violence faite aux femmes, la paix et la démilitarisation et la seconde, les biens collectifs, les services publics et l’autonomie économique des femmes


Biens collectifs, les services publics et l’autonomie économique des femmes

« L’autonomie financière et le temps de vivre ! »

Les femmes rencontrent au cours de leur vie professionnelle et personnelle, une série d’obstacles se rapportant à leurs revenus, au système de sécurité sociale, etc. Elles doivent pourvoir à leurs besoins de manière autonome. Bien que les femmes représentent 51% de la population, elles occupent une position sociale particulièrement défavorisée dans la société.

Elles sont largement majoritaires parmi :
• Les secteurs professionnels précaires et à petits salaires (79%), comme les titres-services (90%)

• Les temps partiels (80%)

• Les allocataires d’insertion n’ayant pas travaillés suffisamment longtemps pour ouvrir le droit aux allocations de chômage (65%)

• Les chefs(fes) de famille monoparentale ayant un plus grand risque de pauvreté (85%)

• Les carrières incomplètes (75% des femmes atteignent une carrière de 35 ans tandis que la même proportion d’hommes cumule une carrière de 41 ans)

• ...

Les femmes doivent s’arracher des mécanismes discriminatoires stéréotypés, pour pouvoir profiter de la vie et avoir du temps libre. Etant donné que le travail reproductif non rémunéré (éducation des enfants, prise en charge des personnes dépendantes, tâches ménagères,…) repose toujours en grande partie sur leurs épaules, vu que la carence de services publics empêche la socialisation de ces tâches essentielles. 
Malgré l’engagement formel à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, les politiques gouvernementales aux différents niveaux de pouvoir poursuivent la voie de l’austérité, sans tenir compte des conséquences désastreuses des populations en situation précaire, davantage exposées aux discriminations : les jeunes, les étrangers et les femmes.

De ce fait, les inégalités entre les femmes et les hommes se consolident voire se renforcent, notamment, par les mesures suivantes :

• L’AGR (Allocation de Garantie de Revenu) concernant le temps partiel involontaire est diminuée et après deux ans, réduite de moitié

• La flexibilité des heures supplémentaires, des horaires flottants, des emplois précaires sont encouragés par l’annualisation du temps de travail et par une politique facilitant le temps partiel

• Les nouvelles politiques concernant les pensions et les fins de carrières auront des conséquences néfastes sur les femmes

• Les allocations d’insertion professionnelle sont limitées dans le temps

• La notion d’emploi convenable est élargie de 25 km à 60 km de distance pour les personnes sans emploi, par conséquent elles sont obligées d’accepter cette modalité afin de garder leurs droits aux allocations de chômage, alors que les transports en commun continuent à recevoir moins de financement conjointement à une augmentation tarifaire

• Le crédit-temps sans motif (qui permet de souffler un peu) n’est plus indemnisé ni assimilé

• L’âge de la retraite anticipée sera retardé à 63 ans, après une carrière de 42 ans

• ...

La « Marche Mondiale des Femmes – Belgique » réclame de la part des politiques, un changement de cap, à engager d’urgence, afin d’éviter les catastrophes sociales, concernant particulièrement les femmes. 
Nous prônons une économie durable où, partout, la vie humaine, le bien-être collectif, l’égalité effective des droits et le respect de l’écosystème priment sur les mécanismes du marché, du productivisme et de la recherche de profit au bénéfice d’une minorité.

Oui aux emplois durables et au travail digne pour tous(tes) 
Des emplois doivent être créés, en particulier dans les services publics car ceux-ci répondent à des besoins sociaux et environnementaux urgents. Dans le secteur privé, l’octroi de subsides aux entreprises doit être soumis à un contrôle pour vérifier leur affectation à la création d’emplois de qualité, garantissant des conditions de travail dignes et un salaire décent.

Oui aux services publics de qualité au bénéfice de tous(tes)

La dynamique de privatisation et de marchandisation des services publics doit être endiguée et inversée. Nous voulons des investissements conséquents pour garantir des services publics forts, de qualité et accessibles (en particulier pour les personnes les plus précaires) qui permettent d’assurer entre autres :

• Une place d’accueil pour chaque enfant (le taux de 33% recommandé par l’Union Européenne est atteint presque partout en Belgique, souvent sur base de services marchands. Ce taux n’est pas suffisant pour couvrir le besoin en milieux d’accueil de qualité et accessible).

• Des lieux de vie adaptés pour les personnes handicapées et/ou âgées, que ce soit à domicile, en institution ou dans des structures alternatives.

• Des soins de santé dans une approche globale tenant compte des spécificités des patients (sexe, âge, culture, …).

• Un système éducatif égalitaire et exempt de stéréotypes sexistes, racistes et homophobes.

• Des transports publics efficaces et efficients à travers un réseau étendu et du matériel adapté aux personnes à mobilité réduite et aux personnes se déplaçant avec des poussettes.

Oui à une sécurité sociale forte

La sécurité sociale doit être refinancée, afin de garantir des allocations sociales permettant de vivre décemment, en particulier pour le chômage et les pensions. La stigmatisation et l’exclusion des chômeurs-euses doivent cesser, tout comme la dégressivité des allocations et leur limitation dans le temps. Le statut cohabitant doit être supprimé pour que chacun(e) bénéficie des mêmes droits indépendamment de sa situation familiale.

Oui à un système fiscal juste et solidaire

Les impôts doivent être davantage proportionnels aux revenus. Il semble logique que les plus riches contribuent plus, afin d’assurer une meilleure répartition des richesses. En ce sens, un impôt sur les fortunes doit être établi pour permettre une taxation du capital sur ces grosses fortunes.
Oui au partage des tâches familiales et domestiques entre les hommes et les femmes et à la mise en place de mesures visant à lutter concrètement contre les stéréotypes sexistes dans la société.
Pour permettre l’emploi pour tous(tes), une réduction collective du temps de travail avec maintien du salaire et embauches compensatoires doit être établie et pour permettre une meilleure qualité de vie pour tous(tes), une augmentation des petits salaires et des systèmes d’interruption de carrière indemnisés et assimilés doivent être établis.

Oui à une solidarité internationale pour l’autonomie économique de toutes les femmes. 
La dette financière et écologique du Nord envers le Sud doit être comblée à travers un renforcement de la coopération internationale et par l’annulation des dettes illégitimes à la suite d’un audit citoyen permettant de les déceler. 
Au niveau européen et international, il ne faut pas négliger les enjeux ; le gouvernement s’est engagé à respecter des normes budgétaires dictées par la Commission européenne, sans qu’il n’y ait un réel débat démocratique. Ces normes établissent un niveau maximal à ne pas dépasser pour la dette et le déficit fiscal et combinent notamment des recommandations et des sanctions en cas de non-respect. Ces normes sont contre-productives et enfoncent les économies nationales dans la stagnation, voire amènent les économies dans un cycle de récession. Ces mesures portent préjudice au modèle de solidarité, aux services publics et à la sécurité sociale. Elles affectent dès lors, fortement les femmes alors qu’elles sont souvent concernées au premier chef par les coupes budgétaires effectuées.

Par ailleurs, les accords de partenariat économique, actuellement en cours et en négociation, comme le traité transatlantique, le TAFTA porteront une atteinte profonde et irréversible à de grands pans de la démocratie, aux droits fondamentaux, à l’emploi et aux services publics.
Il y va de la responsabilité des représentants politiques, en tant qu’élus et mandataires, de ne pas brader les conquêtes sociales garantes du bien-être de toutes et tous au profit des intérêts pécuniaires de quelques-uns.

Violence faite aux femmes, la paix et la démilitarisation

Si la violence faite aux femmes fait l’objet...

Si la violence faite aux femmes fait l’objet d’une attention croissante au niveau mondial, les chiffres n’en restent pas moins inacceptables : à partir de l’âge de 15 ans, 24 % des femmes belges sont victimes de violences conjugales, c’est à dire de violences physiques et/ou sexuelles commises au sein du couple. Dans le monde, 35 % des femmes ont subi des violences intrafamiliales ou sexuelles au cours de leur vie. La prise de conscience à elle seule ne suffit pas pour faire reculer la violence dirigée contre les femmes. Une action politique et une augmentation des budgets sont nécessaires.

Au niveau national

1 Le Plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales

Le nouveau Plan d’action national (2015-2019) doit :

• Recouvrir toutes les formes de violence ;

• Être plus qu’une simple liste d’actions ;

• Viser plus de cohérence et de collaboration de la part des acteurs impliqués.

2 Moyens financiers

• Il faut apporter un soutien financier plus important aux organisations de femmes luttant contre la violence intrafamiliale. 
• Le nombre de refuges pour femmes et enfants victimes de violences est insuffisant. Il est nécessaire d’augmenter la capacité d’accueil. 
• Les frais de séjour journaliers sont trop élevés dans les lieux d’accueil. Il faut repenser leur financement.

3 Prévention de la violence

Une politique de prévention cohérente et exhaustive doit être mise en place en matière de violences faites aux femmes. Cette politique de prévention doit atteindre toutes les couches de la société et les sensibiliser à toutes les formes de violences commises contre les femmes. Pour que sa durabilité soit garantie, il faut à cette politique un financement à long terme et des programmes substantiels :

• Des campagnes ;

• Des programmes éducatifs ;

• Une formation pour tous les professionnels de la lutte contre la violence faite aux femmes ;

• Un instrument d’évaluation des risques uniforme et simple d’utilisation ;

• Transformer les points de contact pour les violences intrafamiliales au sein des CAW en centres de confiance pour adultes ;

-  Des services et des informations adaptés en matière de planning familial, et l’accès aux soins de santé relatifs à la sphère sexuelle et reproductive.

4 Services et protection pour les victimes

• Nous plaidons pour une coopération multidisciplinaire dans la lutte contre toutes les formes de violence (physiques, sexuelles, psychologiques, etc.).

• Toutes les initiatives d’accueil doivent être accessibles aux personnes porteuses d’un handicap.

• Les centres d’accueil doivent évoluer vers des unités résidentielles individuelles, car ce n’est pas la cohabitation en elle-même qui rend les personnes plus fortes, mais bien les activités thérapeutiques de groupe.

• En raison du manque de logements de transit, les victimes doivent rester plus longtemps que nécessaire dans un refuge. Sur le marché de l’immobilier, peu de propriétaires sont prêts à louer leur bien si la garantie locative est prise en charge par le CPAS.

• L’accompagnement des victimes doit se poursuivre après leur sortie de refuge.

5 Poursuivre et sanctionner la violence

Nous plaidons pour :

• La tolérance zéro pour les violences entre partenaires, c’est-à-dire l’affectation des moyens nécessaires pour appliquer cette politique sur le terrain et pour garantir le suivi systématique des dossiers.

• Un plus grand nombre de femmes au sein de la police et de la magistrature, y compris aux plus hauts postes de responsabilité en matière de prise de décision.

• Une amélioration des techniques d’interrogatoires et de recherches.

• Des sanctions plus lourdes et un meilleur suivi en matière de viols : les tribunaux d’application des peines doivent toujours être associés aux décisions de mise en liberté conditionnelle. Attribuer un accompagnant aux auteurs remis en liberté favorise autant leur intégration que la détection précoce de signaux indiquant un risque de récidive.

• Le recours au placement comme mesure de crise pouvant être prise par la police en cas de violences conjugales.

• Une proposition d’aide systématique aux auteurs de violences, avec l’obligation d’accepter cette proposition dès le deuxième incident. Il est nécessaire de mettre en place un système structurel de thérapie obligatoire pour les auteurs de violences et de suivi systématique des auteurs de violences sexuelles.

Engagements internationaux relatifs à la violence faite aux femmes

• Dans le cadre du dialogue politique national, le gouvernement belge doit plaider pour la séparation effective de l’Église et de l’État, afin d’éviter que les discours conservateurs en matière de sexualité n’entravent les droits sexuels et reproductifs des femmes.

• L’absence d’un agenda stratégique coordonné au niveau international pour lutter contre la violence faite aux femmes forme un obstacle important pour l’application totale des obligations internationales existantes. Le gouvernement belge doit plaider, dans le cadre du dialogue politique et dans les forums internationaux, pour un plan d’action international contre la violence faite aux femmes, un plan comprenant des actions concrètes et des délais pour accélérer la mise en application nationale des cadres de réglementation internationaux existants, dont la Plate-forme d’action de Pékin et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

• Lors de la dernière session de la Commission de la condition de la femme (CSW 58), la Belgique a pris une position très claire au sujet de l’égalité des sexes dans le cadre de développement post-2015. Aux côtés de plusieurs autres États membres de l’Union européenne, la Belgique a en effet plaidé pour l’ajout d’un objectif supplémentaire consacré spécifiquement à l’égalité des sexes, à l’autonomisation des femmes et à l’intégration d’une dimension de genre. Cette position a été retenue dans le résultat des négociations de la CSW 58. Nous identifions comme cibles (targets) prioritaires les points suivants : 1) l’élimination de la violence faite aux femmes ; 2) l’égalité des sexes au niveau des postes de pouvoir, d’influence et de prise de décision ; 3) des droits économiques et le droit à un travail digne pour les femmes.

• La Belgique doit ratifier la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

• Le gouvernement belge doit accorder un soutien financier plus important à la société civile des pays du Sud, car ce sont ces organisations qui doivent veiller à ce que les gouvernements nationaux respectent leurs engagements nationaux et internationaux en matière de lutte contre la violence faite aux femmes.

• Il n’est pas possible de bâtir la paix sans la participation de femmes à tous les processus de prise de décision de tous les niveaux de pouvoir, ni sans le renforcement des femmes et des organisations de femmes qui luttent pour la paix, les droits humains et l’égalité de droits pour les femmes et les hommes. L’égalité des sexes et la participation égale des femmes et des hommes à tous le processus de prise de décision et de gouvernance sont des conditions sine qua non pour la paix et le développement. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement belge, de manière à mettre en œuvre la résolution 1325, de :

o Prévoir un budget pour mener des actions qui mettent en application la résolution 1325 (plan d’action national 1325) et qui contribuent à l’autonomisation et au renforcement politique des femmes et des organisations de femmes ;

o Créer des organismes et des stratégies nationales (gender machinery) qui promeuvent l’égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes en soutenant les organisations de femmes et en soutenant les mesures de mise en œuvre des plans d’action 1325 « locaux » ;

o Lutter contre les causes économiques des conflits armés en appelant à l’adoption d’un traité international sur l’exploitation et le commerce illégaux et illégitimes des matières premières et des richesses naturelles, un traité qui contrôle les entreprises et le commerce, qui assure la traçabilité des matières premières et qui recense toutes les entreprises impliquées dans le commerce de matières premières ;

o Soutenir des programmes de désarmement et cesser de se porter garant financièrement pour des transactions d’armes ;

o Limiter les dépenses militaires (achat d’armes, entretien de l’armée et de ses infrastructures) et faire de l’armée une force d’intervention humanitaire ;

o Faire cesser les violences (sexuelles) faites aux femmes et mettre un terme à l’impunité en soutenant des programmes de lutte contre la violence sexuelle et sexo-spécifique, d’aide (médicale, psychologique, économique) aux victimes et de renforcement de l’État de droit et des capacités des systèmes judiciaires nationaux ;

o Plaider pour l’instauration d’un code de conduite obligatoire pour les militaires et les civils en mission de terrain (casques bleus ou autres missions (militaires)) de manière à rendre les abus, la violence et la violence sexuelle punissables et à rendre les commandants responsables des actes de leurs subordonnés ;

o Traduire les militaires coupables de violences sexuelles en justice devant des tribunaux civils, comme les autres citoyens, et ne pas accepter de mesures d’amnistie dans de telles affaires.